Mauvais rêve...

Ces dernières semaines, après l'incident avec l'épée et le livre, Davy et Kay n'avaient plus reparlé de guerre, de complot ou de vengeance. Leur vie avait suivi le même court que celui qu'elle suivait ces dernières années, comme si rien n'était arrivé, comme si rien n'avait changé. Ce qui n'était pas le cas bien sûr...Mais cela leur faisait du bien à tous les deux, de retomber dans cette routine. Davy avait ainsi pu réduire son stress et retrouver un certain confort, et Kay...Kay avait pu retrouver un certain équilibre, du moins il lui semblait. Il savait que la conversation qu'ils avaient eu l'avait beaucoup déstabilisé, et cela l'avait fortement inquiété, il ne l'avait jamais vu comme ça. Il espérait que si chacun retournait à son rôle ordinaire, dominant et soumis, tout rentrerait dans l'ordre.

La veille Kay et lui avaient fait l'amour, puis le jeune Cupidon s'était paisiblement endormi dans ses bras. Malheureusement, il n'avait pas eu droit à la calme nuit à laquelle il aspirait...En effet, comme il lui arrivait parfois, Davy fit un affreux cauchemar. un cauchemar qui se résumait en fait à un seul son, celui de sa voix, qui chantait, chantais...Un refrain de malheur, vague relent d'angoisse, pressentiment meurtrier.

Il se réveilla donc en sursaut. Le matin était déjà avancé, Kay était donc déjà levé. Sans pouvoir se contrôler, il éclata en sanglots, comme il le faisait à chaque fois, serrant ses maigres bras contre son corps mince. Il appela en pleurant:

-Kay! Kay!

Dans son bureau, Kay admirait l'Épée des joyaux. Il l'avait rangée précieusement dans une cachette de sa bibliothèque que lui seul connaissait. Il ne pouvait se résoudre à s'en séparer. Si Davy était prêt à accepter que le livre soit toujours à disposition de Kay, il ne serait probablement pas rassuré de voir l'épée. Kay avait donc décidé de la ranger. Elle n'avait pas changée ou presque : l'Argent de Lune était toujours aussi scintillant. Étrangement, c'était surtout vrai lorsque la lumière baissait. Un petit détail cependant avait changé : un joyau ornait maintenant l'épée.

Les quatre dernières semaines avaient été calmes. Et Kay était content de son choix. La vie avait repris la tournure qu'elle avait jusqu'à maintenant. Un seul point le mécontentait : il ne trouvait pas comment appeler la Créatrice à lui et surtout une possibilité de se voir revenir dans son monde. Cependant il continuait à chercher.

Kay était entrain d'emballer soigneusement son épée lorsqu'un bruit émana de la chambre dans laquelle Davy dormait encore. En fait, c'était Davy qui hurlait. Kay se précipita pour voir ce qui s'y passait en entendant distinctement Davy qui criait son nom.

– Qu'il y a-t-il Davy ? Je suis là !

A la seconde même où Kay pénétra dans la chambre à coucher, Davy sauta de sur le lit et bondit dans ses bras, tout tremblant, comme chaque fois. Dieu ce qu'il pouvait détester ces rêves affreux qu'il faisait parfois...Il aurait tant voulu ne rien savoir! Surtout lorsqu'ils étaient aussi affreux et troublants que celui-ci...

Il se serra tout contre son amant, pleurant toujours un peu tout bas.

-Kay, Kay! J'ai fait un rêve affreux, un rêve affreux, si tu savais...

Et il se raccrocha à lui comme s'il était l'unique bouée dans une tempête.

À la minute où Kay mit le pied dans la chambre à coucher il comprit que Davy avait encore fait un de ses cauchemards. Il lacha le livre lorsque Davy s'aggripa à lui. Il savait que son amant détestait ce livre. Du pied, il le poussa sous la commode. Il consola Davy en lui caressant les cheveux et en lui parlant doucement.

– Du calme Davy, ce n'est qu'un rêve. Tu sais bien que ce n'est qu'un cauchemard

En disant cela, il savait qu'il mentait à Davy et qu'il se mentait aussi. Plus ses rêves étaient durs et plus il y avait une chance qu'ils aient une partie de prémonitoire. Cependant Kay croyait que le destin n'existe pas. Du moins pas de manière définitive. Du moins il ne voulait pas le croire non plus.

– Racontes-moi, ce qui s'est passé dans ton rêve Davy.

Tout tremblant et reniflant, Davy continua de s'accrocher presque désespérément à Kay. Il savait pertinemment que ce n'était pas un cauchemar normal, et se doutait que son amant le savait aussi. Il était très facile de distinguer les rêves normaux des rêves prémonitoires, ne serait-ce que par l'ambiance et surtout par les sentiments qu'il ressentait durant ceux-ci. Tâchant tant bien que mal de se calmer, il dit d'une voix tremblante et hésitante:

-Eh bien...Eh bien je...Je me rappelle plus exactement...Je ne sais plus...Il me semble qu'il n'y avait...Pas d'image...Que du noir...Et du son...C'était ma voix, et je te chantais une chanson, Kay, je sais que c'est à toi que je la chantais. Mais elle...Elle disait...Je...J'ai peur...Elle disait...

Ses yeux se remplirent de nouveau de larmes malgré ses efforts et recommencèrent à couler sur ses joues pâles.

Ces situations étaient toujours délicates. Si Kay voulait réconforter Davy, il voulait aussi comprendre ce rêve au cas où. Mais Davy était toujours très flou dans les descriptions. De toute façon, si Kay voulait des arguments pour convaincre Davy qu'il n'y avait rien là, il avait aussi besoin de savoir...

– Respires doucement Honey... finalement tu ne faisais que chanter donc. C'est bien de chanter.

Kay essayait de trouver les mots justes.

– Te rappelles-tu de ce que tu chantais ?

Tout tremblant, Davy tâcha de se rappeler la chanson, toujours accroché à la chemise de son amant. Elle lui revint facilement en mémoire, étonnement, alors que normalement les rêves s'effacent lentement dans la brume du sommeil et que les détails s'estompent, celui-là au contraire était clair et net, à vif dans sa mémoire, comme marqué au fer rouge. Une autre preuve que ce rêve n'en était pas un normal...

Il hésita un instant. Devait-il le lui dire? Il était très confus par rapport à ce rêve. Il ne comprenait pas tout exactement, mais saisissait de façon obscure la signification profonde de ces vers avec son coeur, à défaut d'avec sa tête. Kay n'apprécierait peut-être pas, s'il comprenait tout, lui...Et puis aussi, chanter cette chanson serait comme lui donner vie dans le monde réel, la rendrait palpable, plus réelle, plus...Effrayante...

Mais en même temps, il avait tellement envie de la sortir de sa tête, de la vomir! Peut-être que s'il la chantait elle ne serait plus en lui, il ne serait plus prisonnier d'elle, elle serait désormais un bien public et à la lumière du jour deviendrait moins effrayante....Il avait tellement envie, non, besoin que Kay le rassure, lui dise que ce n'était rien, et qu'il soit convainquant surtout! Il inspira et dit doucement:

-Ou...Oui...Tu veux...Tu veux que je te la chante?

Cela lui demanderait du courage, mais ensuite au moins il ne serait plus pris seul avec cette chanson...

Kay sentait une forme de nervosité le gagner. C'était un sentiment particulièrement désagréable car il ne l'était que très rarement. De plus, il comprenait mal pourquoi cette situation le rendait nerveux.

– Ce n'est qu'un rêve, un simple cauchemar !

Il se répétait ça pour se convaincre. Davy semblait vraiment troublé.

– Ou...Oui...Tu veux...Tu veux que je te la chante? demande Davy
– Bien sûr Davy. Prends ton temps. répondit Kay

Davy inspira profondément contre la poitrine de Kay, respirant son odeur réconfortante. Puis, lentement, d'une voix douce et un peu triste, il se mit à fredonner la chanson, qui ressemblait beaucoup à une petite berceuse, répétitive, envoûtante.

Don’t be sad
Sweety
I’m so glad
To be
The one you call
Honey

Don’t think I’m
Angry
I don’t have
To be
Because you
Saved me

And you know
Baby
I was so
Happy
When you first
Kissed me

Remember
How we
Lived our
Story

If my life
Can be
The thing who
Makes you free
I’ll give you
All of me
If it can makes you
Happy

So don’t be sad
Sweety
I’m smiling now
You see
My tears were
Silly

But please stay
With me
Until the end
Touch me
It’ll be less
Scary
When I’ll fall into
Eternity

And please
tell me
You’ll remember of your
Davy
All your life
I’ll be
In your back
Rosy

And at night
Maybe
If you listen
Carefully
Sometimes you’ll
Hear me
From the dark where
I’ll be

I’ll whisper
Tenderly
‘’I love you
My Sweety.’’...

Kay était bouleversé. Il avait déjà entendu Davy chantonner discrètement. En fait, Davy chantonnait très souvent. Kay, sans se l'avouait, aimait savourer ses moments où il l'écoutait l'air de rien. La voix de Davy était enchanteresse, et Kay se sentait enjoué à chaque fois ou presque.

Cette fois-ci cependant, c'était différent. D'abord parce que le ton était d'une tristesse rarement égalée. Mais c'est surtout parce que Kay ne pouvait croire que cette chanson venait d'un rêve. Elle était trop précise, sonnait trop juste... il craignait quelque chose.

Mais Kay ne pouvait le laisser paraître. Revêtant son visage jovial et son sourire diplomatique, il regarda Davy dans les yeux et dit, avec ce qu'il espérait être la plus grande sincérité apparente,

— C'est une formidable chanson. Elle est très belle.

Il prit la main de Davy et attira son amant contre lui.

— Ne t'inquiètes pas Honey... ce n'est qu'une chanson. Ce n'est qu'un cauchemar que tu as fait. Tout se passera bien dans l'avenir.

Et tandis qu'il disait ça, il se rendit compte que l'Épée des joyaux risquait de demander son dû... et qu'il venait peut-être de mentir.

Davy resta prostré contre le torse de Kay, reniflant doucement. Il ne trouvait pas du tout que cette chanson était belle, et encore moins ''formidable!'' Elle était horrible, triste et effrayante, voilà...

Mais il ne voulait pas qu'elle reste dans sa tête. Il ne voulait pas avoir peur...Il avait tellement envie de croire Kay, de croire que ce n'était qu'un mauvais rêve sans queue ni tête, même si au fond il savait que ce n'était pas vrai...Alors il s'y appliqua. Fermant les yeux, il fit ce qu'il faisait le mieux: il enfouit tout cela au plus profond de son être, nia sa peur, refoula son angoisse et ferma les yeux sur tout ça. Lentement, il cessa de trembler, et il se calma.

*Ce n'est qu'un rêve. Qu'un rêve. Tout ira bien, tout ira bien...*

Il se répéta cela comme un mantra, jusqu'à y croire suffisamment, jusqu'à ce que l'illusion soit suffisamment bien encrée pour prendre consistance et devenir solide. Il se décolla lentement du torse de son amour, les yeux sec mais un peu vitreux, avant de dire à voix basse:

-Oui...Tu as raison...Qu'un mauvais rêve...

Il détourna le regard.

Toute la journée Kay fut distant de Davy. Physiquement, il était proche presque constamment collé à ce dernier, lorsque ce n'était pas Davy qui était collé à Kay. Il passait souvent la main dans ses cheveux ou venait se coller un peu à lui, plus que d'habitude.

Mais ses pensées étaient comme absentes du monde réel, du monde qui l'entourait. Elles voguaient plutôt sur les paroles de la chanson de Davy. Elles plongeaient dans les fils des possibilités du futur, cherchant ce qui pouvait être interprété et ce qui devait être laissé dehors. Mais chaque plongée, de plus en plus profonde, menait Kay à une certaine anxiété qui laissait Kay sans voix. C'était comme manquer d'oxygène devant ce qui ne manquerait pas de survenir sans pour autant savoir ce qui allait survenir. Dans ces moments, Kay toussait plus qu'à son habitude. Cela faisait pourtant plusieurs jours que sa toux diminuait.

Kay aurait aimé trouver des mots à appliquer sur ce qu'il ramenait du fond trouble de ses réflexions. Les nommer, conceptualiser ses craintes aurait pu lui permettre de trouver une solution, une alternative. Chaque essai se soldait par un échec. C'était comme si, malgré chaque pêche fructueuse, quelqu'un s'évertuait à remettre sa pêche à la mer avant qu'il ait pu la saisir.

Son esprit s'embrumait et il perdait pied. La frêle barque sur laquelle il naviguait semblait fragile... derrière lui une ombre grandissait et il ne la voyait pas. Et dans le même laps de temps, certains de ses tatouages grandissaient aussi.

Tout au long de la journée, Davy sentit la distance mentale de Kay. Mais il apprécia aussi beaucoup sa présence physique accrue, dont il avait bien besoin en cette journée qui avait fort mal commencé. Un malaise persistait en lui et il tâchait sans succès de ne pas y penser.

Toujours à l'affût de Kay, il n'était pas sans remarquer aussi sa toux et l'étrange phénomène qui affectait ses tatouages. Il n'aimait pas ça.

Cerise sur le gâteau, dernièrement, il avait souvent des maux de ventre, et des mal de coeur aussi, surtout le matin. Il avait vraiment l'impression que tout allait mal...

Surtout, il aurait voulu avoir plus d'information sur ce que Kay projetait de faire. Ne pas savoir était la pire des choses car alors il ne pouvait même pas mettre de mots ou d'images sur ses craintes. Il aurait voulu que tout reste comme avant, que rien ne bouge, mais il sentait bien que tout changeait inéluctablement, dans sa vie tout comme en lui.

C'est vers la fin de l'après-midi que, voyant Kay avec une mine sombre, plongé dans ses pensées, il se décida à essayer de rompre la lourde atmosphère de cette journée. Sur un ton faussement léger, quoi que un peu inquiet il est vrai (car Davy était un peu coquet de sa personne), il demanda à son amant:

-Dit, Kay...Tu trouves pas que j'ai grossi?

La réponse, à son avis, était clairement oui, et ça l'inquiétait.

(HRP:Oui, ça n'a aucun rapport, mais je savais pas quoi dire/faire donc...xD)

(La suite de cette storyline continue dans le sujet de L'étrange maladie de Davy)