Le parapluie

Messages : 48 Date d'inscription : 29/11/2011 Age : 31

Les mains sur les hanches, Stella se planta devant Benoît, l'empêchant de marcher.

-Ton père? Mais tu t'en fou de ton père! Non mais! C'est quoi ça hein? T'as pas de couilles? Tu sauras mon grand que quand on a un rêve, un vrai, y'a rien qui peut nous empêcher de le réaliser! Ben, euh, sauf les lois de la physique et de la logique universelle...Genre, si tu veux voler comme un oiseau, ça risque de chier. Mais...Mais je parle pas de ce genre de rêves-là, bon! SI tu y tiens pour de vrai, à ton rêve, c'est pas ton stupide père qui va t'en empêcher! Tu ramasses ton cash, tu attends ta majorité, tu fous le camps de chez lui et là tu fais ce que tu veux! Voilà!

Elle croisa les bras et renifla ostensiblement, encore partie dans son élan.

-Si tu décides tout de suite que tu n'y arriveras probablement pas, bah tu finiras comme ton père: vieux et frustré. J'suis sûre que son père le castrait, lui aussi...

Messages : 52 Date d'inscription : 02/12/2011 Localisation : Québec

Benoît resta un instant, légèrement penché en avant, la face d'un bœuf à regarder Stella. Elle disait vrai. Il devait prendre son destin en main. Il allait réussir peut-être à être un jour musicien. Ça ne dépendait que de lui d'ailleurs. Et puis n'était-il pas d'ailleurs actuellement en train de mettre en œuvre sa vie, son projet ? En travaillant au bar, en réussissant à l'école — enfin dans certaines matières pas dans toutes >< —, en construisant son avenir... ainsi il devenait l'architecte de sa vie !

— Et toi ? Tu as un rêve ?

Messages : 48 Date d'inscription : 29/11/2011 Age : 31

-Moi?

Question à laquelle elle ne s'attendait pas, sur le coup. Elle réfléchit quelques secondes.

-Moi, un rêve? Ben, j'ai toujours rêvé de voir des fées. Mais pour ça, faudra que j'attende, forcément: j'dois me rendre en Europe pour en voir. Et puis, encore là, ce sera pas garanti; seulement si j'ai de la chance.

Elle joua distraitement avec le grelot sans ses cheveux, qui tinta doucement dans la nuit.

-Mais, plus concrètement, je vais devenir bédéiste. J'ai déjà des tonnes d'histoires en tête et je me pratique tous les jours en dessin...Et c'est certainement pas mes connards de parents qui vont m'empêcher de faire quoi que ce soit! Même que si ça les fait chier, c'est un plus, tiens!

Elle leva le nez.

-Non mais si j'les écoutais, je pourrais rien faire, je serais même pas ici en ce moment. Fait longtemps que j'ai appris à me contrefoutre de ce qu'ils me disaient...Héhé.

Messages : 52 Date d'inscription : 02/12/2011 Localisation : Québec

Benoît écoutait attentivement Stella comme avalant ses paroles. Au loin, un petit grondement se fit entendre. Subrepticement, ill s'approcha de Stella... le nez en avant, il tendait vers elle, comme un limier tend vers une proie. Son coup s'étendit sur quelque centimètre, son corps suivit le mouvement. Il ne se rendait pas compte que Stella se demandait ce qu'il faisait. Il s'arrêta très proche de son visage... très très proche... trop proche selon les standards classiques. Et il avait un regard étrange et les yeux fixés sur elle.

— t'as un bouton là sur le nez, dit-il en tendant le doigt à moins d'un cm du dit bouton

À ce moment précis, avant même que Stella ne put répondre, le tonnerre gronda et une averse se déclencha sur la tête des deux écoliers. Promptement, Benoît se rapprocha de Stella et ouvrit le parapluie.

Messages : 48 Date d'inscription : 29/11/2011 Age : 31

Stella n'eut pas le temps de réagir lorsque Benoît s'approcha d'elle. Elle n'eut même pas le temps de penser, en fait, jusqu'à ce qu'il sorte sa phrase débile. Elle sursauta brusquement en entendant le tonnerre et vit son interlocuteur ouvrir le parapluie et le déployer au-dessus de leur tête.

Une fois la stupeur passée, elle asséna au garçon une bonne tape derrière la tête et lui tourna le dos, les bras croisés, les yeux levés au ciel, restant tout de même sous le parapluie.

-Je le savais, les gars sont tous pareils...Crétin.

Pas moyen de parler sérieusement DEUX MINUTES avec ces abrutis. Peuh. Il était bien comme les autres, le nabot blond!

Messages : 52 Date d'inscription : 02/12/2011 Localisation : Québec

— Aiiieee

La tape n'était pas douce. Et il se rendit compte qu'il n'aurait pas du dire ça.

— Fais attention Stella, tu vas être trempée... tu...

La situation commençait à se concrétiser dans l'esprit de Benoît. Il se voyait là, debout, face à Stella. Ils étaient l'un en face de l'autre. Et en faisant un pas pour être certain qu'elle ne soit pas mouillée, il était presque collé à elle. Son visage face au sien. Il regardait les traits de la jeune adolescente. Elle était en colère mais cela donnait à ses yeux un sombre regard qui la faisait sembler terrible et, paradoxalement, attendrissante. Il plongeait dans ses yeux comme on plonge au fond de l'océan en sachant qu'on risque de ne plus jamais remonter à la surface. Mais se noyer dans ses eaux profondes, c'était comme communier avec un ange.

— Je... tu... tes yeux sont vraiment beaux.

Plus personne n'était autour d'eux. Tout le monde avait déserté le jardin. Mais Benoît n'en avait cure. Il ne voyait plus que les yeux de Stella.

— Je dois rentrer, dit-il soudainement.

Il fit un mouvement vers l'arrière, entrainant le parapluie, revint et le serra dans la main de Stella. Le contact ne dura qu'une fraction seconde tout au plus, mais Benoît ressentit un frisson parcourir son corps. Puis il serra la main de Stella qui tenait le parapluie avec ses deux mains.

— Tiens, pour que tu ne sois pas mouillée.

D'un mouvement vif, les yeux brillant de mille feux, il se pencha rapidement et embrassa la joue de la jeune demoiselle... puis il s'enfuit en courant sous l'eau qui s'abattait comme un déluge.

Messages : 48 Date d'inscription : 29/11/2011 Age : 31

-Je...Tu...Tes yeux sont vraiment beaux...

...

Hein?!

Déstabilisation...Alors même qu'elle était en colère.

Ouais, déstabilisation.

Les yeux écarquillés, elle regardait ses yeux à lui, à quelques centimètres des siens seulement. En temps normal, il aurait déjà reçu une bonne gifle. Elle n'avait jamais été très patiente avec les garçons. Mais là, bizarrement, l'autre semblait s'en sortir sans (autre) baffe.

Mais il lui prenait quoi, d'un coup, à ce type?! Il l'insultait puis il lui disait qu'elle avait de beaux yeux?! Et après c'était les filles qui étaient sensées être compliquées!

Elle déglutit. Il la regardait bizarrement, et ça la retournait sans qu'elle comprenne vraiment pourquoi. Elle aurait voulu lancer une réplique ironique ou punchée, comme d'habitude, lancer une blague pour alléger l’atmosphère, mais elle n'y arrivait pas.

Lui aussi il avait des beaux yeux. C'était un con, bien sûr, mais un con mignon, ça c'était clair.

Pas que ça lui fasse quelque chose. Sérieusement.

Non mais, elle s'en fichait qu'il ait des beaux yeux.

Ça n'avait rien à voir avec le fait qu'elle n'arrivait pas à parler. Certainement pas.

Et si quelqu'un était venu lui faire remarquer que ses joues avaient pris une teinte rose, ce quelqu'un en question aurait certainement eu très mal derrière la tête!

-Je dois rentrer...

Il serra le parapluie dans sa main. Une partie de son cerveau se demandait encore ce qui se passait, et ce qu'il lui prenait.

-Tiens, pour que tu sois pas mouillée...

Ah ben tiens...

Et c'est alors que survint le coup final: un bisou sur la joue, rapide, suivit d'une fuite en règle.

Ce n'est que bien en retard que Stella réussit à lâcher un pitoyable:

-Hé là!

Heureusement qu'il ne s'était pas retourné, parce qu'elle n'avait foutrement aucune idée de quoi dire après. Elle n'avait pas ressenti la vague d'agressivité qu'elle aurait dû ressentir au bisou. Elle avait simplement rougit un peu plus.

Elle resta plantée là un petit moment, la main sur sa joue. Puis, l'orgueil reprit le dessus, et elle secoua violemment la tête pour remettre ses idées en place. Non mais, qu'est-ce qu'il lui avait pris, à ce type...Il l'avait prise de court, c'était pour ça qu'elle n'avait pas su quoi répondre, voilà. Que répondre à ça, de toute façon, franchement?!

-What the hell...

Enfin, il serait bien puni, ce crétin: maintenant il allait être trempé. Peuh. Pas comme si ça lui faisait quelque chose.

Ce devait être les hormones, un truc du genre.

Elle prit le chemin de sa maison.

Décidément, elle ne comprendrait jamais rien aux garçons...